Notice
Né à Pacy-sur-Eure (Eure), Georges Heuyer est le fils d’un vétérinaire militaire décédé très tôt. Lycéen à Evreux, il fréquente le dimanche l’asile d’aliénés où il prend goût à la psychiatrie.
A Paris pour ses études de médecine, il se forme auprès des docteurs Babinski et Déjerine, deux neurologues, puis chez le Dr Méry en pédiatrie. C’est là qu’il rassemble les éléments de sa thèse, Enfants anormaux et délinquants juvéniles : Nécessité de l’examen psychiatrique des écoliers, soutenue en 1914, alors qu’il exerce dans le service du Dr Dupré à Sainte-Anne. Georges Heuyer y propose de nouvelles méthodes de détection de l’anormalité à l’aide de fiches d’observation médicale, pédagogique et psychologique. Ce faisant, il théorise l’impossibilité « de séparer théoriquement et pratiquement, les anormaux des délinquants ; ceux-ci se recrutant parmi ceux-là. »
Après la guerre, Georges Heuyer devient, toujours à Sainte-Anne, chef de clinique à la chaire des maladies mentales et de l’encéphale de 1919 à 1922. En 1920, Ernest Dupré le fait nommer médecin de l’Infirmerie spéciale de la Préfecture de police (le « Dépôt ») où il restera 28 ans et dont il deviendra directeur. La même année, il est nommé médecin inspecteur des écoles de la Seine, et commence ses travaux sur les enfants psychopathes avec le psychologue Jean-Maurice Lahy. Surtout, il devient le collaborateur bénévole d’Edouard Toulouse dans son combat pour les hôpitaux ouverts et il contribue ainsi à la création de l’Hôpital Henri-Rousselle. Puis en 1925, il est nommé directeur de la clinique annexe de neuropsychiatrie infantile, ouverte à l’instigation du juge Henri Rollet, dans les locaux du Patronage de l’enfance et de l’adolescence. Il devient l’artisan incontournable de l’autonomisation de cette spécialisation médicale, à travers la tenue du premier Congrès international de psychiatrie infantile à Paris en 1937 ; la création en 1943 par arrêté du Conseil technique de l’enfance déficiente et en danger moral, qu’il préside lui-même ; et enfin la création en 1948 d’une chaire de psychiatrie infantile dont il devient le titulaire.
Cette hégémonie marque en profondeur l’approche clinique de l’enfance dite irrégulière avec l’ouverture, dans les années 1920 et 1930, des premières cliniques spécialisées, des consultations d’hygiène mentale infantile, puis des centres d’observation et enfin, à partir des années 1950, des premiers centres médico-pédagogiques. Omniprésent dans les congrès, les conseils d’administration et les comités de rédaction de revues scientifiques, Georges Heuyer fonde en 1953 la Revue de neuropsychiatrie infantile et d’hygiène mentale de l’enfance.
Malgré une contestation grandissante de ses positions (son attachement résiduel au constitutionnalisme de Dupré, sa persistance à considérer l’hérédosyphilis et la dissociation familiale comme des facteurs significatifs de délinquance), son influence reste très vive dans le secteur de l’enfance inadaptée jusqu’à la fin des années 1960.
Texte : Sylvain Cid
Source illustration : émission télévisée « Pour ou contre le détecteur de mensonges », Où quand comment, 3 juin 1964, archives INA