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De la rééducation à l’éducation

Notice

Les années 1970 sont un réel tournant pour les pratiques éducatives. La période post soixante-huit est un moment de changement radical. La mémoire des maisons de correction s’efface pour laisser place à des formes renouvelées de la relation avec les mineurs. Cela ne se fait pas sans heurts. Les travailleurs sociaux sont après mai 1968 la cible de critiques sévères de la part d’intellectuels et de chercheurs en sciences sociales. Les ouvrages devenus célèbres de Michel Foucault (Surveiller et punir, 1975), de Jacques Donzelot (La police des familles, 1977) sont autant de dénonciations à l’encontre des travailleurs sociaux, assimilés à des agents d’un contrôle social. En écho, paraissent de nombreux récits tout aussi virulents d’anciens usagers qui se revendiquent comme des victimes des institutions sociales.

Paradoxalement, face à ces attaques les professionnels du travail social ne se positionnent pas sur la défensive. À l’inverse, ils sont perméables à ce vent de contestation, devenant à leur tour porteurs d’une remise en question de leur rôle et du sens de leur intervention. Du côté de la Justice des enfants par exemple, les éducateurs abandonnent leur allure de chefs scouts ou leur « veston cravate » imposé dans certains internats de l’Éducation surveillée pour un look plus soixante-huitard : cheveux longs, barbes en broussaille, tenues amples et motifs à fleur. Par ailleurs, le terme générique de « travailleurs sociaux » qui désigne dorénavant tout autant les éducateurs spécialisés, les assistantes sociales que les autres professionnels du secteur, leur permet de rejoindre la communauté et les revendications plus larges des « travailleurs ». Les travailleurs sociaux sont nombreux à se syndiquer, réclamant de meilleures conditions d’exercice de leur métier tout en adoptant une position très critique à l’encontre des politiques sociales. Ainsi, le Syndicat national du personnel de l’Éducation surveillée, le SNPES, devient un interlocuteur incontournable du ministère de la Justice. Il se fait notamment le porte-parole des contestations à l’égard de l’enfermement et l’avocat de l’abolition de la peine de mort encore en vigueur pour les mineurs.

Les écoles de formation de travailleurs sociaux connaissent la même agitation que les universités : grèves, meetings, occupations de locaux, séquestrations du personnel de direction. Les élèves exigent la fin de l’autoritarisme des professeurs, la suppression des sanctions et des exclusions arbitraires. Ils proposent une plus grande autogestion, la gratuité des études et la liberté vestimentaire (comme le port du pantalon pour tous). Dans le programme de formation apparaissent des séances de yoga, de danse et de relaxation, des cours d’éducation sexuelle et de psychodrame.

Sous la pression de ces différents mouvements de contestation, la prise en charge des mineurs de Justice subit des mutations de fond. Les éducateurs exigent que la réponse institutionnelle se démarque d’une réponse uniquement répressive. Si, d’un côté, sont expérimentés des centres d’observation fermés à Juvisy en 1970 ou à Fleury-Mérogis en 1974 ; de l’autre, apparaissent des formules dites de milieu ouvert, l’offre de suivis éducatifs pour des mineurs laissés au sein de leur famille se développe avec succès. Parallèlement les grands internats ferment au profit de foyers plus restreints et au coeur des villes.

Texte : Véronique Blanchard et Mathias Gardet

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