Le coupable (1896)
Publié en feuilleton dans Le Journal en 1896, Le coupable, roman réaliste de François Coppée décrit avec un humour grinçant une colonie pénitentiaire publique imaginaire : la colonie du plateau. Il s’agit d’une des premières dénonciations des maisons de correction et elle connait un véritable succès. Les critiques formulées par Coppée constituent une trame qui sera reprise par tous les détracteurs des établissements de rééducation dans les années suivantes.
Source : couverture du roman
Crédit : droits réservés
La Petite Roquette (1898)
Toutes les institutions qui ont suscité de la part des médias des campagnes de dénonciation ou des discours de propagande ont une origine commune : la critique de la prison qui se fait jour durant la Restauration et qui voit la naissance en 1819 de la Société royale pour l’amélioration des Prisons. Cette société très officielle dénonce les effets pervers de l’incarcération sur les enfants dus, notamment, à leur cohabitation avec les adultes. La Petite Roquette comme les colonies agricoles pénitentiaires sont le fruit d’une volonté de réforme. Cette prison spécifique pour mineurs installera le régime philadelphien jusqu’à construire des promenoirs/couloirs individuels pour chaque jeune détenu. Il faudra attendre les années 1865 pour que les critiques de plus en plus vives transforment la Petite Roquette en maison d’arrêt ordinaire, et les années 1930 pour que les femmes remplacent les enfants dans cette prison.
Source : collection Philippe Zoummeroff
Crédit : M. Collard
Le Petit Journal (1905)
La naissance du journal à grand tirage (Le Petit Journal, 1863), inaugure l’ère des médias de masse. Le mouvement s’accélère sous la Troisième République où la liberté accordée à la presse provoque une véritable explosion de l’information. Les nouveaux journaux sont de plus en plus souvent illustrés et diffusent images et photographies à grande échelle. Au tournant du siècle arrive sur les Unes les « Apaches » : jeunes gens, en groupe, considérés comme précocement violents. Ce sont plus ces « bandes » de jeunes qui ont l’audience du grand public, que les dénonciations locales des maisons de correction.
Source : « La lutte contre les Apaches » , Le Petit Journal, 15 octobre 1905
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L’Assiette au beurre (1908)
L’Assiette au Beurre est un hebdomadaire satirique, il sort en pleine affaire Dreyfus et au moment de la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Il est délibérément antimilitaire et anti-calotin. Ses thèmes favoris dans un esprit plus ou moins anarchiste sont en deça de l’armée et de l’église, la justice, la police, le colonialisme, il défend les pauvres, les ouvriers, les syndicats. Il est composé de 16 illustrations en pleine page et devient une référence majeure en termes de dessins de presse et de caricature. Plusieurs numéros sont relatifs au problème de l’enfance malheureuse et de l’enfance coupable dont celui sur le Dressage et le sauvetage de l’enfance (1904), les Apaches (1907), la Petite Roquette (1907), l’enfance coupable (1908) et Mettray (1909). Dans les années 1910 L’Assiette au Beurre évolue vers des positions de plus en plus nationalistes et perd de nombreux lecteurs.
Source : L’Assiette au beurre, n°389, 12 septembre 1908
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La révolte de Belle-Ile dans le Petit Journal (1908)
La naissance du journal à grand tirage (Le Petit Journal, 1863), inaugure l’ère des médias de masse. Le mouvement s’accélère sous la Troisième République où la liberté accordée à la presse provoque une véritable explosion de l’information. Les nouveaux journaux sont de plus en plus souvent illustrés et diffusent images et photographies à grande échelle. Au tournant du siècle devant les Apaches (voir illustration de 1905), la presse titre plus sur les méfaits des jeunes, que sur les violences institutionnelles. Ici, la Une se consacre non aux causes de la révolte des colons mais à ses conséquences : le meurtre d’un surveillant. Il faudra attendre 1934 pour que les révoltes de Belle-île déclenchent les campagnes de presse contre les « bagnes d’enfants ».
Source : Le Petit Journal, 1905
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Le magazine Vu (1934)
Vu est un hebdomadaire français d’information créé et dirigé par Lucien Vogel. Il paraît pour la première fois le 21 mars 1928. La conception du journal est révolutionnaire. La place centrale accordée à la photographie en fait le premier grand hebdomadaire systématiquement illustré, alors que l’Illustration peine à se renouveler, et que déjà l’Intransigeant et Paris-Soir , quotidiens populaires, en font un argument de vente. Les photographes s’appellent André Kertesz, Brassaï, Germaine Krull, Robert Capa, Gerda Taro, Marcel Ichac. Le magazine a une ligne graphique moderne. De grand format (28 x 37 cm), le logotype est créé par Cassandre. Sans être une publication du Parti communiste, la revue entretient avec cette formation de nombreux liens d’autant que Marie-Claude Vogel (fille de Lucien) est l’épouse de Paul Vaillant-Couturier (écrivain et rédacteur en chef de l’Humanité). C’est d’ailleurs un numéro spécial de 200 pages consacré, en 1931, à l’URSS et très favorable au pays des soviets, numéro tiré à plus d’un demi-million d’exemplaires, qui lance véritablement la revue. En adéquation avec sa ligne éditoriale Vu s’engage logiquement dans la campagne contre les bagnes d’enfants. Il consacre le numéro de septembre 1934 a un reportage fourni de René Zazzo dénonçant les bagnes d’enfants, en l’occurrence l’établissement Théophile Roussel.
Source : « Cages pour enfants », Vu, septembre 1934
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Le magazine Détective (1934)
Au milieu de l’été 1934, suite aux mauvais traitements infligés à un pensionnaire, une révolte éclate au sein de la colonie pénitentiaire de Belle-Île en mer. Les colons à l’appel des caïds cassent le mobilier, blessent les gardiens, enfoncent portes et fenêtres et s’enfuient collectivement. Le directeur et les gendarmes arrivés sur place font alors appel à la population pour leur demander, moyennant prime offerte, de les aider à rattraper les fuyards. Or, l’île, déjà lieu de villégiature à l’époque, comptait parmi ses vacanciers Jacques Prévert qui, assistant à la scène, compose son fameux poème La chasse à l’enfant, mis une première fois en chanson par Marianne Oswald. Il n’en faut pas plus pour que les médias à sensation s’emparent de l’affaire venant alimenter la campagne de presse à l’encontre de ce que l’on appelle dorénavant les « Bagnes pour enfants ». Malgré l’ampleur de la mobilisation, la colonie de Belle-Île survivra au scandale jusqu’en 1977, date de sa fermeture définitive, entamant avec difficulté une réforme qui ne lui permettra pas de se démarquer de sa mauvaise réputation.
Source : Détective, septembre 1934
Manifestation du 14 juillet (1936)
Passage rue du Faubourg-Saint-Antoine de la grande manifestation populaire du 14 juillet 1936. Des passants portent une pancarte proclamant « il faut abolir les bagnes d’enfants ». Des milliers de personnes se retrouvent devant la tribune dressée place de la Nation pour célébrer à la fois la fête nationale, la victoire électorale et l’aboutissement des grèves de mai-juin 1936.
Source illustration : photographie de manifestation pour la fermeture des bagnes d’enfants, rue Saint-Antoine à Paris, 1937
Crédit : AFP
Prison sans barreaux (1938)
Le film Prison sans barreaux réalisé par Léonide Moguy en 1937 et sorti en salle en 1938 avec les actrices très populaires à l’époque Corine Luchaire et Ginette Leclerc, symbolise les espoirs de la campagne de presse des années trente contre les « bagnes d’enfants ». Le scénario a bénéficié en effet de l’aide d’Alexis Danan, le journaliste de Paris soir qui avait été un des fers de lance de la campagne. Le film raconte ainsi l’arrivée d’une toute nouvelle directrice, jeune et fringante, envoyée autoritairement par le ministère de la Justice dans une institution pour filles tenue jusqu’alors d’une main de fer par une vieille femme acariâtre. Malgré les résistances de l’équipe en place, la nouvelle directrice entame une véritable réforme des mœurs, faisant abattre les portails et les barreaux, enlever les règlements et remplaçant la discipline sévère par une relation de confiance. Sur l’air de la Marseillaise, le panneau d’inscription de l’entrée « colonie pénitentiaire » est alors remplacé par « maison d’éducation surveillée ».
Source : affiche du film
Crédit : droits réservés
Chiens perdus sans collier (1955)
Le film célèbre de Jean Delannoy, Chiens perdus sans collier , sorti en 1955, lui-même librement inspiré du Best-seller homonyme de Gilbert Cesbron (1954) symbolise la réforme éducative introduite par l’ordonnance du 2 février. Il consacre ainsi la figure paternelle du juge des enfants en offrant le rôle de « Monsieur Lamy » à l’acteur très populaire Jean Gabin. Mais contrairement à l’ouvrage de Cesbron, le film reste très mitigé sur les nouveaux établissements pour mineurs délinquants en montrant l’autoritarisme encore très prégnant des éducateurs et le décalage des modes de prise en charge de ces institutions fermées, placées à la campagne, loin des familles, qui entraînent les fugues à répétitions de leur pensionnaires.
Texte : Mathias Gardet
Source : revues de cinéma
Crédit : ENPJJ
France-Soir (1959)
« En 1945, on n’est pas brusquement passé, comme par magie, de l’erreur à la vérité, de l’imparfait au parfait » écrit Jean-Louis Costa… mais c’est en 1970 que le premier directeur de l’Éducation surveillée rédige ces lignes. En fait, durant vingt ans, la communication officielle sur la justice des mineurs, relayée par l’ensemble des médias, a chanté sans nuance la gloire de la réforme et la réussite des établissements publics ou privés de rééducation. Certes, les « bagnes d’enfants » sont bien présents dans le cinéma, la radio, la presse mais il s’agit de dénoncer les établissements du passé pour mieux souligner les progrès du présent. Dans cette série d’articles que France-Soir consacre à la justice des enfants, on voit comme le procédé de « l’avant-après » est utilisé...
Texte : Véronique Blanchard
Source illustration : reportage de Michel Cournot, « Les enfants de la Justice », France-Soir, 28 février 1959
« Il n’y a plus de bagne d’enfants » (1965)
Dans ce reportage de 1965, le magazine Réalités titre : « il n’y a plus de bagnes d’enfants ». Cependant l’on voit sur l’image à quel point les évolutions sont lentes. Ces deux jeunes filles, pensionnaires d’un Bon-Pasteur, sont occupées à laver du linge, tâche féminine par excellence. Il faut attendre la fin des années 1970, pour que « les filles de justice » accèdent à une réelle formation et au monde du travail.
Source : magazine Réalités
Crédit : droits réservés
Palissade de l’exposition « bagnes d’enfants »
Cette palissade a été conçue lors de l’exposition « bagnes d’enfants et campagnes médiatiques » en 2010 au centre d’exposition Enfants en Justice. Elle permettait de montrer qu’au lendemain du mouvement de mai 1968, l’enfermement, le contrôle social, les appareils idéologiques d’État, la reproduction, toutes les formes d’aliénation, d’oppression, de limitation des libertés ou de la Liberté étaient vigoureusement critiqués. L’école, l’armée, l’asile, la justice, la prison… aucune institution n’échappe à ces mises en cause radicales. Les établissements pour mineurs ne font pas exception. La locution bagnes d’enfants reprend du service. Fait nouveau, la dénonciation vient souvent de l’intérieur même des structures : les éducateurs, les travailleurs sociaux prennent la plume et au travers de livres, de journaux ou même de mémoires professionnels, ils vilipendent la répression dans les foyers et même le « flicage » en milieu ouvert. Les murs des institutions se couvrent de slogans vengeurs et de sérigraphies révolutionnaires.
Source : photo ENPJJ
Crédit : Centre d’exposition « Enfants en Justice »