Le mineur de Justice « venu d’ailleurs » ou d’« origine diverse » a toujours fasciné, inquiété, fait couler de l’encre. Pendant longtemps la prégnance des théories sur l’hérédité et l’anthropométrie ont amené à s’interroger sur l’influence de la race, puis de la nationalité sur les comportements des jeunes étrangers. Un tel aurait hérité de la nature hédoniste et nonchalante de son père espagnol ou de sa mère italienne ; un autre serait rêveur, fataliste et ne ferait rien pour en sortir, car il est slave, ce qui expliquerait en partie ses différents traits de caractère ; un autre encore serait menteur, paresseux, impulsif, agressif avec les faibles et assez lâche avec les forts, d’origine algérienne, « il aurait tous les défauts de sa race ». Autant de jugements de valeur qui perdurent et émaillent les rapports jusqu’à la fin des années 1960. Derrière ce regard spécifique et souvent dépréciateur porté sur les jeunes étrangers se profile la problématique de leur intégration. Pendant longtemps, la solution privilégiée à l’issue de leur détention provisoire semble être le rapatriement, le « retour au pays », même si le jeune en question est un Français musulman d’Algérie ayant migré en métropole. Cette mesure est prononcée au nom de leurs difficultés d’adaptation, tant au niveau linguistique que culturel. Par la suite la complexité des traités internationaux et l’affirmation d’un droit international de l’enfant font émerger la problématique du jeune apatride et du jeune réfugié dont la prise en charge ne peut se résoudre par l’expulsion.
Texte : Véronique Blanchard, Mathias Gardet
Source illustration : fonds ENPJJ, pièce de théâtre organisée au sein de l’internat approprié de Chanteloup-Spoir, photo Pierre Allard, années 1951-1955