Dans la loi sur l’éducation et le patronage des jeunes détenus du 5 août 1850, il est dit que l’État confie l’instruction « morale, religieuse et professionnelle » des mineurs détenus au secteur privé. Ce n’est qu’en cas de défaillance du privé qu’il peut être envisagé d’ouvrir des structures publiques. De par ce texte, qui vient confirmer une situation déjà de fait, l’État institue une sorte de délégation de service public qui marque profondément, jusqu’à aujourd’hui, la configuration de ce secteur : de façon relativement stable, deux tiers (voire trois quarts) des établissements et services prenant en charge les enfants en Justice, ainsi que leurs personnels, relèvent de l’initiative privée. Les créations émanant du public, largement minoritaires, viennent, comme il était prévu, combler les creux dans le maillage géographique national de cette prise en charge, servent à infléchir une nouvelle politique ou de point d’ancrage pour une nouvelle législation. Les velléités de contrôle et d’inspection, exprimées à plusieurs reprises par les ministères de tutelle, se sont toujours exercées dans un grand souci de préserver la susceptibilité des généreux bienfaiteurs et gestionnaires du privé. Les rêves de nationalisation, s’il y en a eu un jour, sont toujours jugulés par le coût exorbitant d’une telle entreprise pour les deniers publics. Le fonctionnement administratif et financier de ce montage subtil aux confins du public et du privé repose tout d’abord sur le paiement d’un prix de journée à la tête du client, c’est-à-dire calculé en fonction du nombre d’enfants reçus dans l’institution et à la durée de leur séjour. Il s’est perfectionné et régulé par la suite par un système d’autorisations, d’habilitations et d’agréments, puis complété par des subventions d’équipement, souvent négociées au cas par cas, dans des commissions ou dans les couloirs des ministères.
Texte : Véronique Blanchard, Mathias Gardet
Source illustration : timbres utilisés pour les campagnes annuelles de collecte organisées par l’Union nationale des sauvegardes de l’enfance et de l’adolescence (UNAR ou UNARSEA)