Belle-Ile-en-Mer (1880-1977)

À la fin du XIXe siècle, en application de la loi du 5 août 1850 sur le patronage et l’éducation des jeunes détenus, l’Administration Pénitentiaire française décide qu’il est nécessaire de diversifier les formations professionnelles dispensées aux pupilles des établissements d’éducation correctionnelle. Dans ce contexte, la colonie pénitentiaire de Belle-Île-en-Mer est inaugurée en 1880 et ses formations agricoles, maritimes et industrielles en font une institution unique en son genre.
La structure occupe plusieurs sites. L’ancienne prison politique de Haute-Boulogne à Palais est le centre névralgique de l’institution. On y trouve les bureaux de l’administration, la plupart des dortoirs, les ateliers d’apprentissage aux métiers de la mer et un bateau-école qui interpelle, du haut de la falaise, les visiteurs arrivant dans l’île. La ferme de Bruté située à quelques kilomètres de là, accueille la formation agricole de l’établissement. L’institution rassemble de jeunes détenus de 8 à 21 ans dans un environnement militaire et délabré où les nombreux colons (320 en 1910) endurent une discipline sévère. Lors d’une visite dans les années 1890, Henri Rollet (homonyme du Juge Rollet), parle d’une « véritable structure pénitentiaire ». L’obéissance étant de mise, les mutineries sont plutôt rares avant la Première Guerre Mondiale, même si en 1908, un surveillant de marine est selon ce que rapporte la presse, tué par les colons.
La révolte des colons de Belle-Île, en août 1934 est à l’origine des campagnes de presse contre les bagnes d’enfants, diligentées par le journaliste Alexis Danan. L’heure est à la réforme, Deux colonies, Saint-Maurice et Saint-Hilaire, bénéficient de premières mesures contrairement à Belle-Île, isolée. En 1942, suite à la construction du mur de l’Atlantique par les Allemands, la colonie de Belle-Île est fermée. L’établissement rouvre, fin 1945, pour recevoir des mineurs convaincus de collaboration. Avec la nouvelle organisation de la justice des enfants, Belle- Île devient, en 1947 un Internat Public de l’Education Surveillée (IPES) mais le poids du passé, l’insularité rendront lente la réforme et difficile la mise en place d’un nouveau projet éducatif.
Au début des années 1950, l’IPES propose nombre d’ateliers de formation préparant au certificat d’apprentissage maritime mais l’institution décline (150 élèves en 1950, 90 dans les années 1960). A partir de 1970, l’Éducation Surveillée remet en cause la pertinence des gros internats de rééducation et évolue vers des structures plus polyvalentes, plus proches du lieu de vie des jeunes, de leur famille, incompatibles avec la situation de Belle-Île qui est fermé en 1977.

Texte : Jacques Bourquin et Julien Hillion