Né en 1913 à Lille, Fernand Deligny, devient instituteur en 1937 après des études de philosophie et de psychologie. Intervenant auprès d’enfants considérés comme attardés, il se distingue alors par une pratique pédagogique originale en transférant la salle de classe au Bois de Vincennes. Encouragé par le psychologue Henri Wallon il passe le certificat d’aptitude à l’enseignement des enfants « arriérés » qui existe depuis 1909.
En 1938, nommé à l’Hôpital psychiatrique d’Armentières où sont entassés de jeunes « arriérés », malades mentaux, vagabonds, délinquants, F. Deligny innove en accord avec le Dr Guibert, directeur de l’hôpital, en supprimant les punitions, en organisant des ateliers, des activités sportives et des liens de plus en plus importants avec l’extérieur. En 1944, il est nommé directeur pédagogique du Centre d’observation et de triage (COT) de Lille géré par la Sauvegarde du Nord. Il contribue largement à ouvrir l’institution vers l’extérieur, il associe des responsables des auberges de jeunesse et les familles aux activités de l’institution. Il ouvre à Wazemmes près de Lille un club qui préfigure les clubs de prévention.
En désaccord avec la Sauvegarde, Deligny quitte le COT et publie en 1947 Les Vagabonds efficaces. Il développe alors avec les auberges de jeunesse une politique de réseau pour accueillir des jeunes, délinquants ou non, qui posent problème : « la Grande Cordée ». Le projet est soutenu jusque dans les années 1950 par le ministère de la Santé, de nombreux juges des enfants et l’Éducation nationale. À la même époque, tout en animant le réseau, Fernand Deligny travaille au laboratoire de psychologie d’Henri Wallon.
Progressivement, Fernand Deligny passe des jeunes délinquants aux « enfants aux troubles plus profonds » avec lesquels il mène dans le Bourbonnais entre 1962 et 1964 des expériences qui s’apparentent à celles des lieux de vie. En 1965, il rencontre à la clinique de La Borde, dans le Val de Loire, Jean Oury et Félix Guattari qui y développent avec des malades des expériences de psychothérapie institutionnelle. Sans adhérer à ce modèle, il commence à La Borde un travail avec un enfant autiste "Janmari".
En 1967, dans le Gard, puis à Monoblet dans les Cévennes, il crée dans une vieille ferme un lieu de vie avec quelques enfants autistes, dont Janmari, et d’autres envoyés par Françoise Dolto et Maud Mannoni. Avec un petit réseau d’amis et de compagnons, dont Jacques Lin qui lui succéde après sa mort, il développe son projet : "donner un sens à ce non verba de l’enfant mutique... partir non pas des mots, mais de gestes, de trajets, de signes observés au quotidien et qui n’ont a priori aucune intelligibilité." Il meurt à Monoblet en 1996 en laissant de très nombreux écrits inédits.
Texte : Jacques Bourquin