L’histoire des relations entre la Justice et les jeunes dits « non accompagnés » est sans doute aussi ancienne que l’histoire des migrations sous toutes leurs formes. De la fin du XIXe siècle à aujourd’hui, les dossiers judiciaires, les affaires et faits divers reportés par les médias et les rapports des œuvres habilitées font mention de jeunes de moins de 16 ans ou de moins de 18 ans qui seraient « vagabonds », sans foyer, loin de leur famille, parfois même en rupture avec cette dernière ; des jeunes désignés alors comme « isolés » car sans attache familiale de proximité. Ils ne sont pas forcément orphelins, sont trop âgés pour être considérés comme des enfants abandonnés mais trop jeunes pour être considérés comme autonomes. Ils sont mobiles, insaisissables. Ils vivent dans la rue ou seuls en hôtels meublés ou dans des foyers. Leurs conditions de vie sont souvent précaires et risquent à tout moment de se dégrader. Or, du fait de leur statut de mineurs - irresponsables civils et pour partie pénaux -, l’absence de tuteur légal s’avère problématique. Qui répondra alors des actes commis par le mineur interpellé ou qui prendra en charge sa protection ?
Parmi cette population infantile loin de sa famille émerge avec acuité la catégorie des « mineurs isolés étrangers ». En plus de leur isolement, se pose le problème de leur assimilation nationale ou au contraire de leur rapatriement. Doit-on, comme a eu coutume de le faire l’Assistance publique pour les enfants étrangers nés en France, les adopter d’office et les considérer comme français ou au contraire les renvoyer chez eux ? Mais peut-on renvoyer un enfant comme un adulte ? A cela s’ajoute le problème de leur identification : s’il est de plus en plus improbable d’échapper sur le territoire national aux dispositifs d’enquêtes, menées notamment par la police et les assistantes sociales, qui reconstituent une fiche d’appartenance familiale très précise des jeunes français, la tâche s’avère nettement plus complexe et hasardeuse pour les jeunes venus d’ailleurs, même quand cet ailleurs fait partie intégrante de l’empire colonial. Faute de carte d’identité, d’état civil et de contacts avec les familles d’origine, le flou demeure souvent sur leur nom, leur lieu de naissance, et même leur âge.
Au gré des vagues migratoires, apparaissent ainsi les figures folkloriques du petit italien ramoneur, cireur de chaussures, vendeur de statuettes ou ouvrier agricole, du petit polonais travaillant dans les mines, du petit bohémien ou tsigane mendiant et apprenti voleur ou au tournant de l’indépendance algérienne celle du jeune français musulman d’Algérie... Ces figures inquiètent car elles échappent aux cadres législatifs en vigueur sur l’âge minimum du travail, l’obligation scolaire, la puissance paternelle, le contrôle de la prostitution. Elles font appel aussi à des notions supranationales liés aux droits de l’enfant et aux différentes conventions traités internationaux sur le statut des réfugiés.
Texte : Mathias Gardet
Source illustration : « Types méridionaux », carte postale
InfoMIE : Centre de ressources sur les mineurs isolés étrangers
En juin 2006, le Comité PECO (Pour les Partenariats avec l’Europe Continentale, plateforme réunissant une trentaine d’ONGs françaises) a initié un projet de création d’un centre de ressources sur la prise en charge de tous les mineurs isolés étrangers en France et en Europe.
Le Musée national de l’histoire de l’immigration
Ouvert en 2007 dans le Palais de la Porte Dorée à Paris, le Musée national de l’histoire de l’immigration propose également sur son site Internet une riche collection numérique commentée.
Le portail Odysseo d’histoire de l’immigration
Le portail Odysséo regroupe l’ensemble des ressources disponibles autour de l’histoire de l’immigration en France grâce à un énorme travail d’enquête et de recensement effectué par l’association Génériques depuis sa création en 1987 puis progressivement mis en ligne depuis le milieu des années 1990.
Rapport sénatorial sur la prise en charge sociale des mineurs non accompagnés (2017)
Élisabeth Doineau, Jean-Pierre Godefroy, Rapport d’information fait au nom de la commission des affaires sociales sur la prise en charge sociale des mineurs non accompagnés, n°598, enregistré le 28 juin 2017, 116 p.