Raoul Léger est né à Charleroi. Il est rapatrié avec sa mère et ses deux frères à Lille au cours de la guerre de 1914, son père est au front. Aux lendemains de la guerre, le père ne revient pas au foyer et Mme Léger se voit dans l’obligation en 1919 de placer deux de ses fils, dont Raoul, à l’Assistance publique. Comme c’est alors la coutume, les frères sont séparés et Raoul n’a de cesse de revenir chez lui en récupérant son petit frère. Après plusieurs de ces fugues, l’Assistante publique place Raoul dans la maison de correction d’Aumale en 1921. Suite à une suspicion de vol d’un billet de 100 francs et dans le cadre de la loi du 28 juin 1904 sur les enfants indisciplinés de l’AP, il est placé en 1922 à la colonie pénitentiaire de Mettray. C’est la période la plus sombre de cette institution, celle que Jean Genet placé en 1926 évoque dans le Miracle de la rose.
À 16 ans, après quatre ans de colonie, Raoul est placé dans une ferme et s’engage vite dans la Marine pour quatre nouvelles années, dont deux passées dans les couloirs disciplinaires du Fort maritime de Charlet à Calvi, mauvais souvenirs avec comme seul aspect positif : l’apprentissage de la lecture et du calcul.
En juin 1932, Raoul Léger a 21 ans, il est « libéré » de l’Assistante Publique avec 500 francs de pécule. Il ne parvient pas à reprendre contact avec sa famille et jusqu’en 1939 il vit de quelques petits boulots et de trafics de cigarettes avec la Belgique. Il est mobilisé en 1939-1940, et c’est à cette période qu’il rencontre son épouse, c’est avec son soutien qu’il prépare son apprentissage de chauffeur poids lourd, métier qu’il exercera après la guerre et pendant des années, avant de créer une entreprise de transports. Les époux Léger ont deux enfants, c’est une autre histoire qui commence, les années noires s’éloignent et Mettray devient un lointain souvenir.
En 1989, Eric Pierre et moi-même entamons une recherche sur la Colonie de Mettray, aucun dossier de colons ne semble avoir été conservé. Un appel à témoin est lancé, Raoul Léger y répond, il souhaite retourner à Mettray, un film lors de cette visite est réalisé par Michel Basdevant (CNFE Vaucresson). Suite à cet épisode Raoul Léger décide d’écrire son témoignage, son texte passionnant et riche devient un livre publié chez l’Harmattan en 1997 sous le titre « La colonie agricole de Mettray, souvenirs d’un colon 1922-1927 ». Raoul Léger est mort à la veille de ses cent ans.
Texte : Jacques Bourquin
« Un jour à Mettray » (M. Basdevant, 1989) [vidéo]
A travers les témoignages de Raoul Léger et d’André Clarté, anciens colons, ce document décrit la difficulté des conditions de vie et de détention de la colonie agricole et pénitentiaire de Mettray entre 1920 et 1930.
Un témoignage radio de Raoul Léger (2003)
Le 24 novembre 2003, Daniel Mermet reçoit Raoul Léger dans son émission Là-bas si j’y suis . Agé de 92 ans, ce dernier évoque les lourds souvenirs de ses cinq années passées à la colonie pénitentiaire agricole de Mettray. L’interview démarre à 8mn10.