Vue cavalière (1895)
Le 16 novembre 1891, le Conseil général de la Seine acquiert ce terrain de 31 hectares à Montesson. A l’instigation de son président, Louis Lucipia, son ambition est de construire un « Mettray laïque » qui remplacerait définitivement la Petite Roquette dont la fermeture se fait attendre. Loin du modèle pénitentiaire, les aménagements et constructions dirigés par l’architecte Henri Poussin doivent laisser leur place à une ambiance « familiale » et à l’agrément de la nature, tout en assurant le contrôle implacable des enfants placés. Sur le modèle des « maisons de familles » de Mettray, huit « pavillons de 40 enfants », dotés chacun d’un réfectoire, d’une salle d’études, de deux « salles de famille » au rez-de-chaussée et d’un dortoir à l’étage, encadrent le terrain central. Les deux bâtiments situés au milieu et perpendiculairement, l’un consacré aux cuisines, l’autre à la buanderie, ainsi que la maison du directeur placée à l’entrée, facilitent la surveillance de proximité. Une autre ligne de surveillance, extérieure celle-là, est offerte non seulement par la rangée des douze maisons réservées au personnel qui entourent la propriété, mais aussi par les murs d’enceinte relativement bas et les ouvertures garnies de grilles qui permettent aux passants de regarder à l’intérieur. L’ensemble forme ainsi selon la propre expression de Louis Lucipia « une maison de verre » : « peuvent voir tous ceux qui ont des yeux ! »
Texte : Sylvain Cid
Crédit : Hôpital Théophile-Roussel
Omnibus de l’école partant pour la gare (sans date)
La Maison d’Education de Montesson est ancrée en bord de Seine, face à la célèbre terrasse de Saint-Germain-en-Laye, à environ deux kilomètres de la halte de chemin de fer de Sartrouville, aujourd’hui dans les Yvelines. L’implantation de la Maison d’Education répondait à un vœu exprimé par le Congrès Pénitentiaire International tenu à Stockholm en 1882 qui avait décidé que les établissements destinés aux enfants devaient être éloignés des villes… Initialement l’établissement portera jusqu’en 1901 le nom de Le Peletier de St Fargeau, régicide révolutionnaire auteur d’un plan d’éducation pour les enfants du peuple. L’omnibus permettait de relier la maison de correction, quelque peu isolée, à la gare la plus proche, les enfants étant principalement originaires de Paris et de l’ancien département de la Seine.
Texte : Michel Blondel-Pasquier
Crédit : Hôpital Théophile-Roussel
Les marais Sud (ca 1900)
La mission de l’école Le Peletier de St Fargeau (en fait colonie pénitentiaire) a pour objectif d’une part que ses élèves obtiennent le certificat d’études, étant donné que « l’ignorance est la base même de l’immoralité » et d’autre part l’apprentissage professionnel « le travail manuel a toujours été considéré comme un élément efficace de moralisation ». Pour cela, l’établissement dispose d’une superficie de 32 hectares. Avant 1902, l’enseignement professionnel était plutôt dirigé vers l’agriculture mais très rapidement il sera réorienté vers l’horticulture. Les marais sud d’une superficie d’environ 2 hectares, du fait de la proximité immédiate de la Seine et de la nature sablonneuse du terrain, sont plus difficilement exploitables. On y tentera les cultures potagères pour nourrir les enfants.
Texte : Michel Blondel-Pasquier
Crédit : Hôpital Théophile-Roussel
Potager et groupe de maîtres (ca 1900)
L’établissement se vantera, dès le début de son ouverture en 1895, de n’employer ni gardien ni surveillant, contrairement aux autres colonies pénitentiaires, pour encadrer les enfants, mais uniquement des instituteurs et maîtres ouvriers. Pour la section jardin, les maîtres ouvriers sont, tous ou à peu près, des anciens de l’école d’horticulture de Versailles. Ils ont chacun sous leur direction environ une dizaine d’élèves. Tous sont chargés, en dehors de l’instruction, de l’éducation et de la surveillance des enfants, y compris la nuit.
Texte : Michel Blondel-Pasquier
Crédit : Hôpital Théophile-Roussel
Elèves-jardiniers au potager (ca 1900)
Le grand nombre d’enfants employés aux travaux horticoles provient de la nécessité dans laquelle on se trouve d’entretenir environ 20 hectares destinés aux potagers. C’est là, évidemment un vice de l’organisation primitive, que nous devons chercher à corriger dans la mesure du possible. Il faut reconnaître en effet que ce classement ne répond malheureusement ni au goût, ni à la provenance, ni à la destination des élèves qui sont tous Parisiens d’habitudes et d’habitation, sinon d’origine. (H. Alpy, rapporteur de l’Ecole auprès du Conseil Général de la Seine ; 1900)
Texte : Michel Blondel-Pasquier
Crédit : Hôpital Théophile-Roussel
Le jardin paysager, section des parterres et platebandes (ca 1900)
En dehors de l’apprentissage du métier de jardinier, il existait aussi une section apprentissage « industriel » constitué de 2 ateliers, l’un pour le fer, l’autre pour le bois. Ambroise Rendu, administrateur pendant 33 ans de l’établissement, exhortait en 1920 les enfants au retour à la terre. "Jeunes gens qui allez quitter l’école, n’oubliez pas ce que je vous dis ici : l’usine est souvent une prison ; le jardin, le champ, sont pour le travailleur un gage de liberté et de santé. Le jardinier a dix chances contre une d’être son maître. Le mécanicien a une chance contre dix d’être patron".
Texte : Michel Blondel-Pasquier
Crédit : Hôpital Théophile-Roussel
Potagers nord et pavillons (ca 1900)
Curieusement le jour de l’inauguration de la Maison d’Education, le 25 juin 1895, elle ne reçut pas de nom. Seuls les pavillons devant accueillir les enfants appelés initialement « division » sur les premiers plans de l’architecte « ne porteront pas de numéros d’ordre, mais des noms qui se sont occupés de l’enfance et de ses besoins : La Fontaine ; d’Alembert ; Diderot ; Lepeletier de St Fargeau ; Condorcet ; Lakanal ; Michelet ; Victor Hugo ».
Texte : Michel Blondel-Pasquier
Crédit : Hôpital Théophile-Roussel
Le magazine Vu (1934)
Vu est un hebdomadaire français d’information créé et dirigé par Lucien Vogel. Il paraît pour la première fois le 21 mars 1928. La conception du journal est révolutionnaire. La place centrale accordée à la photographie en fait le premier grand hebdomadaire systématiquement illustré, alors que l’Illustration peine à se renouveler, et que déjà l’Intransigeant et Paris-Soir , quotidiens populaires, en font un argument de vente. Les photographes s’appellent André Kertesz, Brassaï, Germaine Krull, Robert Capa, Gerda Taro, Marcel Ichac. Le magazine a une ligne graphique moderne. De grand format (28 x 37 cm), le logotype est créé par Cassandre. Sans être une publication du Parti communiste, la revue entretient avec cette formation de nombreux liens d’autant que Marie-Claude Vogel (fille de Lucien) est l’épouse de Paul Vaillant-Couturier (écrivain et rédacteur en chef de l’Humanité). C’est d’ailleurs un numéro spécial de 200 pages consacré, en 1931, à l’URSS et très favorable au pays des soviets, numéro tiré à plus d’un demi-million d’exemplaires, qui lance véritablement la revue. En adéquation avec sa ligne éditoriale Vu s’engage logiquement dans la campagne contre les bagnes d’enfants. Il consacre le numéro de septembre 1934 a un reportage fourni de René Zazzo dénonçant les bagnes d’enfants, en l’occurrence l’établissement Théophile Roussel.
Source : « Cages pour enfants », Vu, septembre 1934
Crédit : droits réservés
Dortoirs (sans date)
Lors de la construction de l’établissement, le Conseil Général de la Seine a souhaité « éviter à tout prix les dortoirs comme ceux de Mettray, dortoirs en commun où le lit est remplacé par un hamac accroché près du hamac du voisin, comme cela a lieu a bord des navires ». On optera donc pour des cellules grillagées dites « cages à poules » (40 par pavillon), fermées la nuit. Celles-ci seront détruites à l’arrivée d’un nouveau directeur, M. Pinaud, en 1942 qui réalisera en pleine guerre, une réforme en profondeur de l’organisation de la vie des enfants.
Texte : Michel Blondel-Pasquier
Crédit : Hôpital Théophile-Roussel
La visite de Madame Vincent Auriol (1948)
C’est en grande pompe que fut inaugurée le 25 juin 1895 la Maison d’Education de Montesson par le président de la République, Félix Faure, venant de Paris par train spécial en gare de Sartrouville, un bouquet de verveine ornant l’habit. Il était accompagné du Conseil Général de la Seine, notamment par Louis Lucipia considéré comme le fondateur de ce nouvel établissement qui mentionnera dans son discours "qu’on ne manquera pas de penser qu’une œuvre à laquelle s’est intéressé dès le début le chef de l’Etat, est une œuvre digne de fixer l’attention publique" . Le mois suivant, lors du Ve Congrès Pénitentiaire International se tenant à Paris, une délégation de différents pays fut organisée le 6 juillet 1895. Après avoir déjeuné en plein air à la terrasse du célèbre Pavillon Henri IV à Saint-Germain-en-Laye, les participants arrivèrent en bateau par la Seine… Le Conseil Général considérera ce lieu comme un établissement modèle et à ce titre nombreux visiteurs feront régulièrement le déplacement pour le visiter.
Texte : Michel Blondel-Pasquier
Source : archives Jean Ughetto
Crédit : droits réservés
Sports (1948)
C’est en 1931 que la direction de l’établissement consent à aménager sur l’un des potagers un terrain de football et à restaurer la piscine « alimentée en eau artésienne courante » et en permettant l’usage de « gramophones, de valises radiophoniques et du grand cinéma Pathé rural de la salle de conférences ». Le nouveau stade et la piscine seront inaugurés officiellement en 1937, par Léo Lagrange, sous-secrétaire d’Etat aux Sports et aux Loisirs.
Texte : Michel Blondel-Pasquier
Source : archives Jean Ughetto
Crédit : droits réservés
Sortie (1948)
Le premier règlement organique de la Maison d’Education fut largement inspiré par le plan d’éducation pour les enfants du peuple de Louis Le Peletier de St Fargeau, repris et lu par Robespierre à la Convention. « on calculerait difficilement à quel point une vie réglée et bien organisée multiplie l’existence, fait entrer dans sa conduite tout ce qui est bien et la remplit tellement d’actes utiles, qu’il n’y reste plus de place, si je puis parler ainsi, pour tout ce qui est vice et désordre ». Les enfants devaient porter un uniforme, plutôt inspiré par la marine, et aucun ne pouvait se déplacer seul dans l’établissement. C’est seulement vers les années d’après guerre que le règlement s’assouplit considérablement.
Texte : Michel Blondel-Pasquier
Source : archives Jean Ughetto
Crédit : droits réservés
Cuisine (sans date)
L’heure du lever est fixée à 6 heures en été, 7 heures en hiver ; l’heure du coucher à 21 heures, les dortoirs restant éclairés toute la nuit. L’alimentation est distribuée 4 fois par jour : le matin, une soupe maigre ; à midi, une soupe maigre ou grasse avec une portion de viande fraîche ou une portion de poisson ou d’œufs ; à 4 heures, du pain ; à 7 heures, une soupe maigre, et suivant les saisons, des légumes frais, des fruits, des légumes secs ou du fromage. Il est distribué comme boisson ordinaire du vin additionné d’eau, du cidre ou de la bière.
Texte : Michel Blondel-Pasquier
Crédit : Hôpital Théophile-Roussel