L’« asile » qui s’ouvre en 1901 dans un petit hôtel particulier d’Auteuil à Paris au 94 rue Boileau est le premier établissement associatif français dédié au « relèvement » et au « reclassement moral » des majeures et surtout des mineures prostituées. Il est géré par l’Œuvre libératrice, une société de patronage fondée la même année par la journaliste féministe et nouvellement secrétaire générale du Conseil national des femmes françaises, Adrienne Avril de Sainte-Croix (1855-1939). La philosophie déclarée de la fondatrice s’oppose à la « vieille théorie de l’expiation inéluctable » : « plus de coercition et de reproches, plus de ces longues méditations […] mais la main tendue, le bon sourire amical et tendre de la famille ; des mères et non des juges. »
En 1911, un nouveau bâtiment plus grand est construit près du premier pour accueillir et observer les arrivantes pendant trois mois. Celles-ci y sont séparées des autres jeunes filles qui, après avoir gagné la confiance de la direction au bout de cette période, sont installées dans l’ancienne maison pour préparer leur retour à la vie "normale".
En 1917, l’Œuvre libératrice achète à proximité un troisième immeuble de deux étages qu’elle transforme en petit hôpital avec dispensaire. Deux ans plus tard, elle ouvre à Sèvres son « Ecole professionnelle et de rééducation » qui propose un enseignement ménager aux « urbaines » et abrite un dispensaire de l’Institut prohylactique, tandis qu’Auteuil devient le « centre de triage » des arrivantes où se pratiquent aussi les premiers examens médicaux. Puis en 1926, une « Ferme-école » est ouverte à Epernon (Eure-et-Loir) pour dispenser aux "rurales" une formation de basses-courières pour les fermes environnantes. Chacun des trois sites peut accueillir 20 à 25 mineures de 13 à 20 ans confiées par les tribunaux de la Seine ou de province, l’Assistance publique, les associations ou les familles.
La guerre entraîne la fermeture temporaire en 1940 de la Ferme-Ecole d’Epernon à cause des bombardements, puis en 1941 de la maison de la rue Boileau pour des raisons financières. Seul Sèvres fonctionne encore en recevant les « jeunes vagabondes vénériennes ».
Le centre de la rue Boileau ne rouvre qu’en 1954 sous le nom de « Foyer Avril de Sainte-Croix ». Equipé et habilité pour recevoir 18 à 20 mineures en danger moral confiées par décisions judiciaires ou par autorité paternelle, il ne reçoit alors plus de mineures prostituées, cette mission étant en particulier investie par l’Amicale du Nid à partir de 1946.
Texte : Sylvain Cid
Bibliothèques patrimoniales de Paris
Les Bibliothèques patrimoniales de la Ville de Paris, en particulier la Bibliothèque Marguerite Durand, conservent des documents sur le fonctionnement de l’OEuvre libératrice, dont des rapports d’activité et un dossier documentaire.
Page d’histoire de l’association Hovia
En 1986, l’association Le Moulin vert absorbe l’Œuvre Libératrice constituée des deux foyers de jeunes filles rue Boileau à Paris (16e) et à Sèvres (92) ; ces derniers font aujourd’hui partie du pôle Protection de l’Enfance d’Hovia.