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Rééducation au Maroc

Notice

Dans le champ de l’enfance « irrégulière », comme dans d’autres, le Maroc apparaît bien souvent dans l’ombre de l’Algérie, voire en serait son prolongement. La faute sans doute à une colonisation plus tardive, un statut de Protectorat et une mémoire en apparence moins traumatique des rapports avec la métropole après la décolonisation. Pourtant L’édifice pénal instauré fait singulièrement coexister une justice dite makhzen, exercée sur l’ensemble des sujets marocains et rendue par les pachas et les caïds, assistés néanmoins de commissaires du gouvernement, et une justice française, pour les français et « européens », et plus tard également pour les marocains ayant commis des crimes et délits au préjudice ou avec des ressortissants français ou européens. Malgré les velléités des élites du Protectorat, la loi de 1912 sur les tribunaux pour enfants n’existe pas et à la fin des années 1930, aucune justice spécifique pour les mineurs marocains n’est à l’œuvre tandis que les mineurs français, bien moins nombreux, sont jugés selon les articles 66 et 67 du Code Pénal.
Au Maroc, seules les prisons existent, dont une « école de réforme » au sein du pénitencier d’Ali-Moumen destinés à de jeunes « indigènes » récidivistes, certains jeunes européens étant parfois envoyés en colonie pénitentiaire en Algérie. De même, en raison d’une politique religieuse donnant la primauté à l’islam, il y aura très peu d’ordres missionnaires au Maroc et pas non plus de Bon Pasteur pour les jeunes filles. Un tournant semble se produire néanmoins au milieu des années 1940 en matière d’alignement avec la métropole, puisqu’est créé au sein du ministère de l’Instruction publique un service de l’Éducation surveillée et sont ouverts plusieurs centres d’accueil et d’observation. Sans doute faut-il y voir les réponses du Protectorat devant la pression démographique dans les grandes villes comme Casablanca (montée des jeunes du sud marocain). Dès lors, la figure ancienne et presque exotique des yaouleds devient gênante pour les autorités, d’autant qu’elle est couplée avec les premiers soubresauts du nationalisme marocain, particulièrement lors des émeutes de Casablanca en 1952. C’est au cœur de cette décennie que l’Éducation surveillée prend un nouveau visage, dans la foulée du code pénal marocain adopté en 1953. Surtout, l’articulation entre enfance délinquante et enfance dite « délaissée » reste permanente, notamment par le développement de « Foyers d’action sociale » tentant au cœur des bidonvilles de soustraire les enfants à la rue. Après l’indépendance, cette enfance des rues suscite également la méfiance du pouvoir royal marocain et inspirera en France de nouvelles craintes de la part du pouvoir politique et des services sociaux sous la forme contemporaine des jeunes mineurs marocains, dits « non accompagnés », des rues du nord de Paris.

Texte : Samuel Boussion

Source illustration : fonds ENPJJ, IPES de Boulhaut, Maroc, 1956

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