Un éducateur de rue à Nancy (1957)
Le reportage effectué à la demande du magazine Elle donne un portrait des deux fondateurs du "club des intrépides" fondé rue de la Hache à Nancy, dès 1949 : Robert Mathieu que l’on voit au centre sur la photo, désigné comme "moniteur", ancien soldat en Indochine. "Revenu à Paris, il est d’abord plongeur dans un restaurant, puis chiffonnier, enfin ouvrier dans une usine. Un jour, il déniche un vieux local, tout près de la rue Mouffetard à Paris. Il avait déjà pris contact avec des équipes d’amitié [une autre association de prévention] qui s’occupent d’enfants déshérités. Il eut l’idée de faire de ce local un club pour enfants. [... Le soir, après son travail fini, M. Mathieu allait s’occuper de son club. Il réussit à entrer au centre de rééducation de Montesson [Un des premières écoles d’éducateurs créée en 1942], comme éducateur. Enfin, il fut sollicité pour l’emploi de moniteurs de clubs d’enfants à Nancy. Le deuxième homme est Josse Breuvart qui après rencontré dans un camp de prisonnier un juge qui deviendra un des premiers juges pour enfants en 1945, Marcel Puzin, décide de devenir son adjoint comme "délégué à la liberté surveillée".
Texte : Mathias Gardet
Source : photo tirée du reportage « Ecoutez battre le cœur de la France » de Stanislas Fontaine (pseudonyme de l’écrivain Albert Palle), magazine Elle, n°582, 18 février 1957, partie 4, p 29
Crédit : Elwing
Un éducateur de rue à Nancy (1957)
Dans son reportage effectué à la demande du magazine Elle sur le "club des intrépides" fondé rue de la Hache à Nancy, dès 1949, Stanislas Fontaine offre un portrait élogieux de Josse Breuvart, délégué à la liberté surveillée et adjoint du juge des enfants Marcel Puzin et décrit les débuts épiques de son action de prévention notamment en matière d’hébergement : "Mais Breuvart eut bientôt une autre idée. Il était arrivé parfois qu’un de ses gosses, ne sachant où passer la nuit, lui demande de coucher dans le club. Il lui apparut que s’il pouvait disposer d’une sorte d’hôtel de dépannage où des enfants et surtout des adolescents trouveraient abri, bien des drames pourraient être évités. Il serait également possible d’y recevoir des enfants placés sous le contrôle du juge pour enfants, c’est-à-dire en "liberté surveillée". Or, le "délégué à la liberté surveillée" trouva un mécène et une maison qu’il transforma en foyer, avec quatre chambres de dépannage. Il y installa ses bureaux - qui doivent normalement se trouver au Palais de Justice -afin que les enfants dont il aurait à s’occuper soient le moins possible en contact avec l’appareil, toujours déprimant, de la justice officielle et de la police".
Texte : Mathias Gardet
Source : photo tirée du reportage « Écoutez battre le cœur de la France » de Stanislas Fontaine (pseudonyme de l’écrivain Albert Palle), magazine Elle, n°582, 18 février 1957, partie 4, p. 50
Crédit : Elwing
« La baraque » de Rouen (1959)
Durant son enquête sur les « Blousons noirs », Marcel Montarron se rend à Rouen dans le quartier décrit comme « insalubre » de Martainville où il suit avec fascination l’expérience de prévention menée par un « homme providentiel », Bernard Emo, « un ancien gosse du quartier lui-même (il est né à quelques pas de la rue Eau-de-Robec, rue Sainte-Claire), un ancien métalo qui milita dans le syndicalisme, un sportif qui n’a pas peur de la bagarre (il fit de la boxe et, aujourd’hui, c’est lui qui entraîne ceux du club qui désirent faire une carrière sur le ring). [...] Bernard Emo qui, lui-même a grandi à la va-comme-je-te-pousse, a la trempe d’un missionnaire. Un missionnaire à sa façon : pas de prêches moralisateurs, pas de baratin. - Pour assurer ce travail d’apprivoisement qu’est la prévention en milieu ouvert, dit-il, il faut travailler dans le milieu et sur le milieu. Il ne s’agit pas de passer de temps en temps une heure avec un gars. Il faut vivre sa vie ».
Texte : Mathias Gardet
Source : deuxième volet de la grande enquête menée par Marcel Montarron sur les « Blousons noirs », Détective, n°685, août 1959
Crédit : Détective
Plan de « La baraque » (1964)
Dans son étude sur les clubs de prévention, le sociologue Vincent Peyre décrit le montage de La Baraque animée par Bernard Emo, « vieux baraquement préfabriqué en bois, dans la rue Eau-de-Robec, en plein cœur du quartier, sur un terrain appartenant à la municipalité, par une main d’œuvre fournie par la prison et avec les jeunes du quartier. Elle est ouverte pendant l’hiver 1955-1956, sans inauguration et aussi, faute de moyen, à peu près sans matériel. [...] Au début de 1956, l’éducateur et sa femme s’installent dans deux pièces de la baraque. Leur foyer est ouvert à tout venant et ils se trouvent ainsi pratiquement en permanence à la disposition de qui vient les trouver. [...] En 1959, après la naissance de leur premier enfant, ils devront prendre un peu de distance, s’installer dans un logement indépendant, vivant toujours cependant dans le quartier. Petit à petit, la baraque s’équipe d’un matériel de jeu : petit billard baby-foot... permettant d’occuper les groupes plus âgés. [...] En 1957, une période difficile commence avec l’apparition à Rouen de la télévision ; elle a l’attrait de la nouveauté et exerce une concurrence très forte, d’autant plus dangereuse qu’elle regroupe tard dans al soirée, autour des postes des cafés, les jeunes qui avaient appris à moins fréquenter ces établissements. Cela favorisait la renaissance des bandes et l’éducateur dut attendre plusieurs mois avant qu’un poste soit mis à sa disposition, permettant une reprise en main des jeunes ».
Source : Vincent Peyre, Clubs de prévention, expériences de socio-pédagogie en milieux urbains, Vaucresson, CFRES, 1964, p.76-77
Localisation des jeunes fréquentant « La baraque » (1964)
Le club de « La baraque » animé par Bernard Emo à Rouen est situé en plein cœur du quartier Martainville abritant à l’époque 20.000 habitant et qui, comme le souligne le sociologue V. Peyre, est "nettement distinct de la ville bourgeoise des notables et des commerçants, il a de tous temps été peuplé de travailleurs manuels : échoppiers, artisans teinturiers, peaussiers ou drapiers, installés en bordure des rivières qui le traverse dans une zone qui était insalubre, marécageuse et inondable". De fait, la majorité des enfants qui fréquentent le club appartiennent à des familles de dockers ou d’ouvriers non qualifiés. "29% des familles seulement disposent d’un logement convenable, 47% d’un logement médiocre et 24% sont installés dans un taudis ; 40% des familles ont d’ailleurs des difficultés économiques chroniques".
Source : Vincent Peyre, Clubs de prévention, expériences de socio-pédagogie en milieux urbains, Vaucresson, CFRES, 1964, p. 67, 78-79
Un éducateur de rue à Rouen (1969)
L’expérience de « La baraque » intéresse la télévision, ainsi Bernard Emo (voir les deux autres images ci-dessus) accepte de se faire filmer et intervient dans un documentaire de 52 minutes qui passera un soir de 1969 sur la première chaîne. Dans "Il était une fois", on voit donc le quotidien de ce club de prévention de Rouen et les explications d’un des premiers éducateurs de rue. Les images sont frappantes, rues du vieux Rouen, sociabilité des jeunes à l’extérieur, boxe comme activité de médiation...Cette émission a un véritable écho, nombreux sont les journaux qui l’évoque dans leur page, comme ici France-Soir , mais aussi Télépoche ou Télérama .
Source : France Soir, 30 janvier 1969
Club de « La gargouille » à Paris (1973)
Le club de prévention de l« La gargouille » remplace la première expérience de club dans le VIe arrondissement créé, en mars 1968, rue des Canettes par l’Association nationale d’entr’aide féminine (ANEF). Contrairement à la majorité des clubs de prévention, il ne s’installe pas dans un quartier populaire, mais à deux pas de la place Saint-Sulpice, à la limite du quartier latin. Malgré l’environnement bourgeois, le quartier est repéré comme un des points névralgiques à surveiller, ainsi que l’atteste une lettre écrite à la fondatrice du club Agnès Baudrillard au moment de son installation en avril 1968 : "Comme promis, et sans retard, je vous transmets sous ce pli quelques indications que je crois utiles s’agissant du quartier Saint Germain des Prés, que vous vous proposez de pénétrer (…). On trouve dans ce quartier des biches, des loups et des renards : Les biches, ce sont les désarmés, par un foyer désuni le plus souvent, filles et garçons, sans volonté, ni grande intelligence (…) Les loups, comme il va de soi, sont ceux qui cherchent à tirer parti de tout cela, soit pour satisfaire leurs instincts, soit pour assouvir d’autres passions matérielles. Les renards, sont les tenanciers d’établissements de nuit sachant tout le reste dans le détail ; et exploitant aux mieux toutes les situations dont ils ont la connaissance. Ce sont aussi les chômeurs professionnels, sans excuse, ceux-là « tapeurs professionnels », dispensateurs de sourires, ayant le sens de la flatterie, comme il se doit, et sachant se faire plaindre (….). Les prostitués constituent une autre communauté. Leurs lieux de racolage, sont la portion du Boulevard Saint Germain comprise, entre le Flore et la rue des Saint-Pères, ainsi que les urinoirs publics. Place Saint-Sulpice notamment (…). Par conséquent Saint Germain perd peu à peu son caractère de village intellectuel, pour prendre celui de mauvais lieu où de plus en plus sévissent vols, rixes, prostitution. Par contre on trouve bon nombre de faux étudiants, ce qui ressort des conduites au poste de Police, pour les opérations de vérifications. Tel qui se dit étudiant en mathématique, est incapable de dire ce qu’est une dérivée".
Texte : Mathias Gardet
Club du « Chevaleret » à Paris (1972)
Le club de prévention installé au 9 de la rue du Chevaleret a été créé par l’association d’éducation populaire du 13e arrondissement à Paris. Lors de sa visite effectué le 20 septembre 1972, Auguste Chaumery, ancien président de la première Association des Clubs de Loisirs et de Prévention à Marseille, engagé par l’Union des clubs de prévention de Paris pour faire la tournée des différentes expériences de la capitale, évoque avec force son ressenti : "Chaque fois que j’arrive au club du « Chevaleret », j’éprouve cette impression de parvenir aux frontières de Paris avec ce que cette expression sous-entend d’isolement, voire même d’abandon. Au-delà du club et de la cité, il y a des voies de chemin de fer, des entrepôts et plus loin, assez loin même, une autre agglomération urbaine : Ivry-sur-Seine. Je pense qu’il est nécessaire de bien avoir cette notion de cul de sac, pour comprendre la vie du « Chevaleret ». Le local du club en préfabriqué est inchangé. Il s’inscrit toujours un peu tristement en plein cœur des ensembles neufs qui ont remplacé la cité d’urgence. La transformation complète de la cité du Chevaleret, le départ des anciens, l’installation de jeunes couples, tout cela a considérablement réduit l’âge moyen de la clientèle. L’effectif le plus important se situe entre 13 et 14 ans. Le club du « Chevaleret » fonctionne sans histoire dans un quartier où il représente une institution quasi-officielle. Les enfants viendront bientôt prendre la place des parents et l’histoire de la plupart des familles est maintenant bien connue".
Texte : Mathias Gardet
Source : Sylvie Marion, « Du nouveau chez les blousons noirs : dans le XIIIe, ils désertent les bars et préfèrent Mozart au rock’ », et « Le caïd, le voyou qui cassait tout, était un chef né : assagi, il devient moniteur du premier club des jeunes de la ville de Paris », France soir, 2-3 avril 1961
Crédit : France Soir