Lettre de jeune (1909)
Des archives de la Petite Roquette rares et originales ont été retrouvées au début des années soixante dans une vieille grange en Normandie par Yann Bisiou. Archives d’un instituteur de la première prison spécifique pour mineurs, on y trouve du courrier administratif mais surtout des courriers et des écrits des enfants entre 1902 et 1922. Ces lettres donnent une idée de ce qu’était le vécu des détenus mineurs. Ici, l’un d’entre eux écrit à ses parents en souhaitant une visite. On peut supposer que cette lettre en possession de l’instituteur n’a jamais été remise à ses destinataires.
Source : http://yann.bisiou.pagesperso-orange.fr/blond/index.html
Crédit : Yann Bisiou
Bifton de prison (1910)
Des archives de la Petite Roquette rares et originales ont été retrouvées au début des années soixante dans une vieille grange en Normandie par Yann Bisiou. Archives d’un instituteur de la première prison spécifique pour mineurs, on y trouve du courrier administratif mais surtout des courriers et des écrits des enfants entre 1902 et 1922. Ici ce sont des biftons entre deux détenus, désignés comme Apaches, qui s’échangent des informations. Bifton confisqué et qui vaudra certainement à ses auteurs quelques jours de mitard.
Source : http://yann.bisiou.pagesperso-orange.fr/blond/index.html
Crédit : Yann Bisiou
Description de cellule (1910)
Des archives de la Petite Roquette rares et originales ont été retrouvées au début des années soixante dans une vieille grange en Normandie par Yann Bisiou. Archives d’un instituteur de la première prison spécifique pour mineurs, on y trouve du courrier administratif mais surtout des courriers et des écrits des enfants entre 1902 et 1922. Il s’agit ici d’un poème d’une grande qualité où le jeune détenu décrit sa cellule et ses conditions de vie. Il exprime avec une grande force d’évocation et un grand talent les conditions difficiles de l’incarcération à la Petite Roquette.
Source : http://yann.bisiou.pagesperso-orange.fr/blond/index.html
Crédit : Yann Bisiou
Dessins d’Apaches (1910)
Des archives de la prison de la Petite Roquette rares et originales ont été retrouvées au début des années soixante dans une vieille grange en Normandie par Yann Bisiou. Archives d’un instituteur de la première prison spécifique pour mineurs, on y trouve du courrier administratif mais surtout des courriers et des écrits des enfants entre 1902 et 1922. Il s’agit ici des représentations de différents membres d’une « bande » d’Apaches de la Bastille. Chaque membre a son surnom, souvent lié à un territoire. On est bien là dans la mythologie de la bande, les adolescents reprenant à leur compte le discours médiatique les concernant.
Source : http://yann.bisiou.pagesperso-orange.fr/blond/index.html
Crédit : Yann Bisiou
Ecrits de jeunes filles (1930)
Outre les pièces administratives classiques, les dossiers de mineurs contiennent des écrits produits directement par les mineurs. Le premier type est la correspondance qui aboutit dans le dossier par différents biais. La voie la plus logique étant les missives envoyées par le jeune aux intervenants de sa prise en charge, comme c’est la cas sur cette photo de cette jeune fille écrivant au directeur de l’institution : cela peut être des lettres à l’inspecteur, à l’éducateur ou au juge responsable de son placement… Elles peuvent avoir été rédigées pendant la durée d’un séjour ou bien à la sortie, parfois des années plus tard, pour réclamer une remise de peine, se plaindre de telle ou telle situation, réclamer telle ou telle liberté ou tout simplement donner des nouvelles ou bien demander des informations sur ses origines… Si certains de ces écrits donnent spontanément des informations sur le mode affectif, d’autres se livrent au compte-goutte, se prêtent à des stratégies pour plaire ou obtenir satisfaction. Quel que soit leur degré de « sincérité », ces correspondances donnent des informations précieuses sur les liens ambigus qui se tissent entre un individu et une institution le prenant en charge, d’autant que cette prise en charge s’effectue dans l’enfance, parfois sur une longue durée et sur un temps très concentré.
Texte : Mathias Gardet
Source : photo Henri Manuel
Crédit : ENPJJ
Exécution d’un dessin (1950)
Les jeunes placés au centre d’observation public de Savigny-sur-Orge sont astreints à l’écriture et au dessin durant des après-midi entiers, remplissant des petits cahiers d’écolier comme en témoigne cette rédaction trouvée dans l’un d’entre eux : « Le travail que l’on fait en classe est assez ennuyeux parce qu’il n’est jamais changé : rédaction, histoire, rédaction, dessin et toujours cette rédaction. Enfin, en général le travail que l’on fait manque de charme, c’est-à-dire qu’il n’est pas distrayant. Le travail intellectuel est ici la seule préoccupation que l’on fait et que si l’on pouvait faire du sport de temps en temps ça irait mieux et on ne s’en porterait pas plus mal ». À part quelques exercices typiquement scolaires : dictées, problèmes, questions d’histoire sommaires ou cartographie de la France, ces cahiers sont surtout composés de rédactions et de dessins. Il ne faut pas s’y méprendre, il ne s’agit pas de l’action d’un pédagogue éclairé, mais bien d’une nouvelle modalité de tests psychologiques orchestrés par le médecin psychiatre, venant compléter la vaste batterie de tests à laquelle sont soumis les jeunes durant leur séjour. Jusqu’où va alors la manipulation ? Ces exercices montrent-ils seulement l’efficacité de cette méthode projective inventée par les psychiatres et psychologues pour détecter les troubles du comportement, sont-ils une nouvelle tactique judiciaire pour susciter un aveu ? Ou bien ne deviennent-ils pas un moyen d’expression utilisé, parfois à contrecœur, par les jeunes pour se raconter, évoquer leurs ressentis et leurs opinions, pour combler leur ennui ? Lorsque les jeunes écrivent ou parlent, cherchent-ils à se dédouaner de leurs délits, à se présenter sous leur meilleur jour afin de clamer leur innocence et de protester contre l’injustice ou bien se contentent-ils de témoigner, de porter un regard sur leur quotidien, leur itinéraire, leur condition sociale, leur futur et sur la société en général ? La grande liberté de ton retrouvée tant dans les dessins que dans les écrits, nous fait pencher pour cette dernière hypothèse malgré ou peut-être du fait de la contrainte institutionnelle très stricte.
Texte : Mathias Gardet
Source illustration : ENPJJ, photographie du Centre d’observation de Savigny-sur-Orge
ENPJJ
Dessins de jeune (ca 1950)
Les dossiers individuels du centre d’observation public de Savigny-sur-Orge constituent un corpus exceptionnel de documents, notamment du fait de la présence de très nombreux écrits et dessins de jeunes consignés dans un ou deux petits cahiers d’écolier. Tous ces textes et dessins étaient annotés ou soulignés selon une grille de lecture codée et préétablie qui cherchait à détecter les troubles du comportement, le degré d’intelligence, les déviances…. Il s’agit de test psychologique déguisé et l’on peut s’imaginer sans peine que dans ce dessin réalisé par un jeune de Savigny dans les années 1950, il donne du grain à moudre au regard inquisiteur du psychologue ou du psychiatre qui ne manqueront pas d’y voir les signes certains d’une hérédité lourde.
Texte : Mathias Gardet
Dessins de jeune (ca 1950)
Les dossiers individuels du centre d’observation public de Savigny-sur-Orge constituent un corpus exceptionnel de documents, notamment du fait de la présence de très nombreux écrits et dessins de jeunes consignés dans un ou deux petits cahiers d’écolier, format 17cm X 22cm, de la marque « Clair matin » ou bien « Hermès » ou bien encore « Chambord », avec leurs pages à grands carreaux, une ligne rouge sur la gauche pour démarquer la marge, couverts de cette écriture arrondie et méticuleuse ou au contraire maladroite avec des fautes d’orthographes, des pâtés, des gribouillages sous l’effet de la plume Sergent-major - remplacée à partir des années 1960 par l’écriture plus brouillonne du stylo à bille. On y trouve ainsi des dessins naïfs ou habilement croqués, tous profondément émouvants et d’un impact visuel très fort, qu’ils soient présentés de façon libre ou bien plus formelle en une bande dessinée de six petits cadres de 8 cm de côté (règle édictée par les psychiatres, maître d’œuvres omniprésent de tous ses exercices dont les thèmes étaient prédéterminés en vue d’alimenter les tests projectifs et les informations sur les mineurs). Tous ces textes et dessins étaient annotés ou soulignés selon une grille de lecture codée et préétablie qui cherchait à détecter les troubles du comportement, le degré d’intelligence, les déviances jugées à l’époque perverses comme l’homosexualité…. Mais, au-delà de ces outils standardisés de la psychométrie décryptés par le regard inquisiteur du psychologue ou du psychiatre et malgré le caractère imposé de l’exercice, nous ne pouvons qu’être frappés par la liberté d’expression, l’humour souvent décapant et la force de ces écrits et dessins et par la richesse des témoignages qu’ils constituent.
Texte : Mathias Gardet
Dessins de jeune (ca 1950)
Dans tous les dossiers individuels du centre d’observation public de Savigny-sur-Orge, on retrouve un ou deux petits cahiers d’écoliers, format 17cm X 22cm, de la marque « Clair matin » ou bien « Hermès » ou bien encore « Chambord », avec leurs pages à grands carreaux, une ligne rouge sur la gauche pour démarquer la marge. Ils sont surprenants au premier abord dans leur contenu. À part quelques exercices typiquement scolaires : dictées, problèmes, questions d’histoire sommaires ou cartographie de la France, ils sont surtout composés de rédactions et de dessins d’une modernité inattendue pour l’époque comme le sujet proposé sur la photo : dessine "les six principaux événements de ta vie". Il ne faut pas s’y méprendre, nous sommes loin de l’action d’un pédagogue éclairé, inspiré par les méthodes d’éducation nouvelle, mais bien face à une nouvelle modalité de tests psychologiques orchestrés par le médecin psychiatre, venant compléter la vaste batterie de tests à laquelle sont soumis les jeunes durant leur séjour. Ces textes et dessins engrangés au hasard des dossiers ne sont pris en considération que s’ils sont symptomatiques, que s’ils apportent une explication aux phénomène déviant, seule cible de l’analyse, que s’ils viennent conforter les catégories nosographiques établies, que s’ils peuvrent constituer un cas exemplaire permettant de faire démonstration ou de mettre à l’épreuve de nouvelles théories. Ils ne constituent aucunement des témoignages ou des récits de vie. Et pourtant, le regard que l’on peut y apporter avec la distance, sans la grille analytique des experts « psy » de l’époque, nous révèlent des traces sensibles que peuvent nous envier les historiens de l’éducation. Les discours et les pratiques institutionnels sont ainsi souvent mis à nu et la vision qu’y portent les mineurs est souvent d’une clairvoyance troublante, sans concessions ni sur le système, ni sur eux-mêmes. Ils représentent aussi de façon plus large, au-delà du phénomène même de la délinquance, un corpus exceptionnel de récits de vie d’une génération, derrière lesquels on voit poindre le quotidien des bandes, leurs codes, leurs loisirs, leurs points de rendez-vous, mais aussi de façon plus générale la vie de leur famille, de leur quartier, les conditions de travail, leurs errances, les nombreux exodes dus à la guerre, à l’immigration…
Texte : Mathias Gardet