Né en 1900 au sein d’un milieu intellectuel et artistique, Pierre Mâle fait des études de médecine et se spécialise dans la psychiatrie infanto-juvénile (aujourd’hui pédopsychiatrie). Élève d’Henri Claude (fondateur du premier laboratoire de psychothérapie et psychanalyse à la Faculté de médecine de Paris), il côtoie Jacques Lacan et dès 1932, devient un membre actif de la Société psychanalytique de Paris (dont il prend la présidence en 1953 lors du schisme dans la mouvance psychanalytique française). Inspiré par les travaux de Jean Piaget et d’Henri Wallon, disciple de Georges Heuyer, Pierre Mâle, considéré comme le Winnicott de l’adolescence, effectue dans l’entre-deux-guerres ses premières consultations pour enfants dans un dispensaire d’Henri Rousselle. Puis il fonde en 1948 sur le modèle anglo-saxon le Service de guidance infanto-juvénile de l’hôpital Henri-Rousselle, premier véritable lieu d’accueil pour adolescents en France qu’il dirige jusqu’à sa mort, et où il forme plusieurs générations de pédopsychiatres.
Appartenant à une génération de savants qui désirent porter un regard nouveau sur l’enfance et l’adolescence, Pierre Mâle participe à la construction de nouveaux outils conceptuels critiques pour appréhender les adolescents en dehors de tout déterminisme biologique et préconise la psychothérapie, adaptée à chaque adolescent, comme l’arme clinique la plus précieuse et la plus efficace.
Maillon essentiel de la méthode de l’observation, œuvrant au rapprochement entre sciences du psychisme et éducation des mineurs « difficiles », alliant psychiatrie, psychanalyse et psychologie, Pierre Mâle est un collaborateur régulier auprès de l’Éducation surveillée. Il assure des vacations au Centre d’observation de Savigny-sur-Orge, de 1946 à sa mort, en 1976 et y reçoit nombre de garçons placés dans les années 1960. Il participe aussi à la formation des éducateurs de l’Éducation surveillée et à la recherche au centre de Vaucresson. Dans sa pratique clinique, la place du corps adolescent est essentielle – ce que l’on retrouve dans les questions qu’il pose à Savigny par exemple (autour de la masturbation des garçons, des relations sexuelles, etc.).
Considéré comme le « créateur » de la psychanalyse de l’adolescent et de la pertinence d’une psychothérapie spécifique à cet âge (l’adolescence est considérée comme une seconde naissance et l’occasion d’un rattrapage des ratés du développement infantile), il reste maintenant à analyser la pratique clinique de Pierre Mâle vis-à-vis des « garçons de justice » à l’aune de la parole et du ressenti de ces derniers.
Texte : Régis Revenin