Gau-Algesheim (Allemagne, 1948-1968)

Dans l’Allemagne en ruines après la Seconde Guerre mondiale, la jeunesse figure parmi les questions majeures qui se posent aux forces d’occupation alliées. Outre la protection de l’enfance vagabonde et des très nombreux « unaccompanied children » dans le pays, la délinquance juvénile alerte les autorités alliées. Déjà en projet depuis 1946, le centre de rééducation de Gau-Algesheim, village rhénan près de Mayence, ouvre ses portes en juin 1948 sous l’égide du Gouvernement militaire français de Rhénanie-Palatinat. Il est installé dans un ancien château des archevêques de Mayence, qui fut notamment une école d’agriculture à partir des années 1920 ainsi qu’une prison militaire en 1945.
Le centre est conçu pour des garçons allemands de 14 à 18 ans condamnés par les tribunaux militaires pour délits « politiques » et venant de la prison de Wittlich. Le qualificatif de « politiques » est appliqué pour des jeunes soumis à une condamnation légère, pour la plupart pour détention d’armes, abandonnées en très grand nombre au départ des troupes, ou « attitude hostile » envers l’occupant. Prévu pour accueillir autour de trente mineurs, le centre reçoit très rapidement jusqu’à une cinquantaine de jeunes, complété par des plus de 18 ans, d’autres envoyés par les tribunaux du Wurtemberg, puis des condamnés pour « vols simples » par la justice allemande.
La direction du centre est confiée à des Français : Henry Van Etten et Jean Wintzenrieth, ancien chef scout et éducateur-chef à Ravenel (Vosges). Ils sont notamment aidés d’un pédagogue allemand, Franz Vester. L’équipe met en place un système dit « progressif ». Après une période d’observation de quatre semaines, pendant laquelle les nouveaux admis sont cantonnés au centre, les mineurs sont affectés à la section dite « d’épreuve », puis selon leur conduite et efforts personnels peuvent passer à la section de mérite, laquelle procure certains avantages (nourriture améliorée, permissions exceptionnelles dans les familles, etc.). Chaque section est composée d’équipes de dix garçons, chacune dirigée par un chef d’équipe et encadrée par un éducateur. Les chefs d’équipe siègent au Conseil général hebdomadaire.
En 1949, jouissant d’une excellente réputation, l’établissement se voit attribuer le titre de Landeserziehungsheim (Maison d’éducation d’État) par l’administration allemande et ira jusqu’à accueillir près de cinquante garçons. L’année suivante, il est dévolu aux autorités allemandes et sera transféré dans la ville voisine d’Ingelheim en 1968.

Texte : Samuel Boussion