Fondée en 1908, l’"école de préservation" de Clermont (Oise) est la troisième et dernière des colonies pénitentiaires pour filles créées au tournant du 20e siècle, après Doullens en 1895 et Cadillac en 1891 (puis 1905). Comme ces deux dernières, elle succède à une ancienne maison centrale de femmes (en service de 1825 à 1903) et s’installe ainsi dans les restes de l’ancien château des comtes de Clermont qui domine la ville.
L’établissement compte deux sections. L’une dite « pénitentiaire » ou « de préservation », de 184 places, accueille des délinquantes pour la plupart condamnées pour vagabondage venant en majorité de Paris ou du Nord. L’autre dite « correctionnelle », de 99 places, occupe le vieux donjon médiéval et renferme les « indisciplinées » des trois écoles de préservation publiques mais aussi des institutions privées comme le Refuge de Darnétal. Dans la première, les pupilles sont mises au travail comme buandières, ravaudeuses, couturières, brodeuses, matelassières, ouvrières en bas et chaussettes. La seconde comporte seulement un atelier de lingerie fine. Louis Roubaud dans son ouvrage Les Enfants de Caïn publié en 1925 parlera du "Château des filles maudites" et en 1937, à l’issue d’un stage à la maison d’éducation surveillée, le Dr Yvonne André, médecin des asiles, en dresse un bilan accablant et dénonce l’état lugubre et le manque d’hygiène des lieux, l’inaptitude du personnel et l’état passif dans lequel sont abandonnées les pupilles. Chargée alors de la réforme de l’institution, elle avance des propositions, mais celles-ci sont jugées insignifiantes et elle renonce à son projet.
En 1941, la maison d’éducation surveillée est en partie détruite par les bombardements et les pupilles sont transférées dans un quartier de la maison centrale de Rennes. En mai 1946, une inspection alerte l’administration sur l’indiscipline chronique de cette section des filles de Clermont toujours repliée à Rennes. Celles-ci sont à nouveau déplacées dans un quartier spécial de la maison d’arrêt de Fresnes le 7 octobre suivant, là où le 6 mai 1947 éclatera la révolte qui mettra un terme définitif à l’histoire de cette section. Entre-temps à Clermont, le donjon a été transformé durant la guerre en lieu d’internement par les Allemands. Tombé en ruine, il sera vendu par le Ministère de la Justice à la ville en 1968.
Texte : Sylvain Cid
Archives de l’école de préservation
Les Archives départementales de l’Oise détiennent les archives de l’école de préservation de 1908 à 1943, illustrant bon nombre d’aspects de son histoire : création et suppression, personnel, comptabilité, inspections générales, bâtiments, régime disciplinaire, patronage des libérées, dossiers individuels, périodes de guerre, état sanitaire, régime alimentaire, travail des détenues, libérations... (cf. pages 210-221/293 du document pdf)
Bibliothèque numérique de l’ENAP
Le portail de la Bibliothèque numérique de l’Ecole nationale d’administration pénitentiaire (ENAP) propose une soixantaine de photographies numérisées de l’Ecole de préservation de Clermont-de-l’Oise.
Entretien autour d’images des écoles de préservation (revue Jefklak, 2017)
Romain André, Alexane Brochard, « « Presque une image d’évasion collective… ». Images des écoles de préservation de jeunes filles. Entretien avec Sandra Álvarez de Toledo et Sophie Mendelsohn », Jef Klak (revue en ligne), 24 janvier 2017.
Le Donjon des comtes de Clermont (site officiel de la Ville)
Partiellement détruit par un bombardement en 1940 puis une violente tempête en 1984, le Donjon a été racheté pour un euro symbolique par la municipalité qui y a effectué des travaux de stabilisation pour faire de l’esplanade un lieu de loisirs en plein air.
Parcours virtuel de l’ENAP sur les écoles de préservation
Ce parcours virtuel monté par Jean-Michel Armand présente quelques photographies prises par le studio parisien Henri Manuel en 1929 et conservées dans le fonds Michel Basdevant.