Dans le contexte d’internat, où chaque moment de la vie quotidienne est objet de surveillance ou d’observation, où les activités sont dirigées, où le temps est minuté de façon à ce que le mineur ne se retrouve jamais seul face à lui-même, quelle était la place pour l’évasion ? Les graffitis retrouvés sur les murs des chambrettes sont un premier indice de ces rêveries solitaires, au-delà des moyens d’expression orchestrés sous le regard inquisiteur d’un psychologue. Ils laissent entrevoir un langage imagé, souvent humoristique, permettant au mineur d’apposer sa marque, d’affirmer son identité et d’échanger avec ses camarades. Ils échappent en partie à la dépersonnalisation liée au roulement continu des effectifs (les mineurs étaient placé à Savigny pour une durée de trois mois !), ainsi qu’à la priorité donné à la vie des groupes souvent au dépend de la personnalité des individus. Par ailleurs, le décompte minutieux des fugues et les nombreux rappels à l’ordre et sanctions dont elles font l’objet, prouvent les capacités de réactions et de résistance des jeunes face à l’emprise institutionnelle. La dernière porte de sortie est parfois le suicide. Malgré la pudeur de l’Administration à ce sujet, les notes laissées par quelques jeunes et les rapports dressés par les éducateurs montrent le décalage des solutions apportées et leur impuissance devant le désarroi ou la révolte de certains mineurs.